Grève et intérim : ne privons pas les travailleurs intérimaires de leur libre arbitre et de leurs revenus !
En cas de grève, les travailleurs intérimaires sont, dans certaines entreprises, pris en otage par des représentants syndicaux. Ceux-ci leur refusent tout net le droit de choisir entre travailler et partir en grève. Les syndicats ne peuvent obliger personne à rejoindre la grève. Pourtant, certains s’octroient le pouvoir de priver les intérimaires non grévistes de toute activité et donc de tout revenu professionnel pour ces journées perdues. Ceci est disproportionné et inacceptable.
Le droit de grève est reconnu par l’ordre juridique international et national. Cela ne fait aucun doute. Il ne fait aucun doute non plus que le droit de grève n’est pas un droit absolu. Des limites au droit de grève peuvent être fixées au niveau national, pour autant qu’elles visent à réaliser un objectif d’intérêt général et qu’elles soient proportionnées à la réalisation de cet objectif. Ainsi, la Charte sociale européenne (Conseil de l’Europe) précise que certaines limites au droit d’action collective sont « nécessaires, dans une société démocratique, pour garantir le respect des droits et des libertés d'autrui ou pour protéger l'ordre public, la sécurité nationale, la santé publique ou les bonnes mœurs ».
L’Organisation internationale du Travail attache également une grande importance au respect par les grévistes des droits et libertés d’autrui, entendons par « autrui » les travailleurs non grévistes, l’employeur, les usagers et les tiers. Qui dit liberté d’association, dit d’ailleurs aussi liberté de ne pas s’associer ou … de ne pas faire grève. Concernant les intérimaires, il est important qu’eux également puissent choisir librement de participer - ou non - à une grève dans l’entreprise où ils sont occupés.
Par ailleurs, le Comité de la liberté syndicale (organe tripartite de l’OIT) précise de manière constante que l’employeur n’est pas autorisé à engager de nouveaux travailleurs dans le but de remplacer les grévistes. Ainsi, il est interdit de conclure des contrats à durée déterminée ou d’engager de nouveaux intérimaires pendant les jours de grève. Cette interdiction s’explique par le souci de rendre la grève effective, sans neutraliser ses effets, en particulier en cas de conflit collectif dur au sein d’une entreprise.
En Belgique, la CCT 108 relative au travail intérimaire précise qu’une entreprise de travail intérimaire ne peut mettre ou maintenir des intérimaires au travail chez un utilisateur en cas de grève ou de lock-out. Cette situation doit s’apprécier au cas par cas. Ainsi, l’utilisateur vérifiera si sa propre entreprise est en grève et, si c’est le cas, il en informera immédiatement l’agence d’intérim. Celle-ci retirera sans délai les travailleurs occupés chez cet utilisateur, conformément à la CCT 108. En cas de manifestation interprofessionnelle, la situation dans l’entreprise ne s’apparentera généralement pas à une situation de grève et les travailleurs intérimaires déjà en place pourront être maintenus au travail.
Quoi qu’il en soit, il serait contraire à la Directive européenne 2008/104 sur le travail intérimaire (art. 4.1), ainsi qu’au principe constitutionnel d’égalité et de non-discrimination, d’édicter une interdiction générale et absolue d’occuper et de maintenir au travail tous les travailleurs intérimaires de Belgique pendant les actions syndicales.
FEB – Laissons et reconnaissons au travailleur intérimaire la liberté individuelle de choisir si, en cas d’action syndicale, il souhaite continuer à travailler ou rejoindre de son plein gré l’action collective organisée par les syndicats. Quant aux entreprises, elles s’abstiendront - en cas de grève en leur propre sein - d’engager de nouveaux intérimaires dans le but de remplacer les grévistes. Le respect des droits et libertés mutuels doit être garanti pour toutes les parties concernées et affectées par une grève.