Comment augmenter le taux d’emploi des travailleurs expérimentés ?
Dans le cadre du deal pour l'emploi, il a été décidé de fixer un ordre du jour en vue d'une réforme de notre modèle salarial. L'objectif est de ne plus lier les salaires à l’ancienneté, mais aux compétences et à la productivité. L'accord gouvernemental prévoyait que les partenaires sociaux rendent un avis à ce sujet, ce qu'ils n'ont pas fait. Cette réforme est pourtant nécessaire si nous voulons augmenter le taux d'emploi des travailleurs expérimentés (*).
Voyons d'abord les chiffres. Les carrières dans notre pays sont en effet trop courtes : la carrière effective s’élevait à peine à 32,9 ans en 2017 (Eurostat), et l’âge de départ effectif à la pension est trop bas (59,7 ans pour les femmes et 61,3 ans pour les hommes). Sur un plan positif, le taux d’emploi des 55+ a augmenté (de 34,4% en 2007 à 48,2% en 2017). Cette augmentation est notamment due au durcissement du départ anticipé et à la limitation du RCC. Mais ce n’est pas suffisant.
Une des raisons pour lesquelles le taux d’emploi des travailleurs expérimentés reste aussi bas tient à la liaison des salaires à l’ancienneté. Selon une étude réalisée par la Vlerick cette année, cela signifie concrètement que les travailleurs de 55 ans gagnent en moyenne 45% de plus que leurs collègues de 30 ans qui effectuent le même travail. La conséquence est que ces travailleurs expérimentés sont évincés du marché.
Cependant, les barèmes d'ancienneté ne constituent qu'un aspect du problème, fût-il important. Les clichés ont la vie dure pour dire que les travailleurs âgés seraient peu flexibles. Ce n’est pas vrai. Il est intéressant de disposer sur un lieu de travail de différents profils issus de différentes catégories d’âge. Un changement de mentalité est donc indispensable à cet égard.
De nombreux pays scandinaves ont d’ailleurs abandonné le lien entre salaire et ancienneté et affichent un taux d’emploi élevé des 55+. Inversement, les pays qui connaissent la plus forte tension entre les salaires des jeunes travailleurs et ceux des travailleurs âgés affichent aussi le taux d'emploi le plus bas pour cette catégorie d'âge. La Belgique et la France en sont un exemple parfait. Il est donc manifestement faux que les travailleurs âgés empêchent les jeunes d'accéder au marché du travail, ce que certains prétendent.
Certes, le modèle de rémunération à l'ancienneté récompense une certaine loyauté des travailleurs, mais il dissuade aussi souvent les travailleurs âgés de changer de travail et les rend moins adaptables. Ça ne va pas.
Nous voulons tout d’abord parer à la critique selon laquelle une rémunération plus axée sur les prestations n’est pas mesurable. Cela se pratique déjà au niveau individuel (salaire horaire, rémunération variable ou bonus en fonction d’objectifs fixés) et collectif (par ex. participation aux bénéfices). La rémunération fondée sur les compétences, les prestations et les résultats doit davantage retenir l’attention dans les nouvelles structures salariales. Cette approche favorise l'engagement et l'implication au travail, réduit les charges sur le travail et évite que les travailleurs âgés quittent le marché du travail anticipativement, ce qui contribue à son tour à un meilleur financement de notre sécurité sociale en général et de nos pensions en particulier.
La manière de concrétiser cette approche doit être discutée en concertation étroite avec les secteurs et les entreprises entre lesquels il existe de grandes différences de profil salarial. Les employés de l'industrie technologique et des fabrications métalliques, où les barèmes d'ancienneté sont totalement remplacés par des barèmes par fonction, sont la preuve que c'est possible.
Il faudrait non seulement que la réforme de notre modèle salarial soit à l'ordre du jour, mais aussi qu'elle soit effectivement mise en œuvre. Après les élections communales, il restera un semestre pour prouver que le deal pour l'emploi est plus qu'un catalogue de bonnes intentions. Il y a encore du pain sur la planche.
Monica De Jonghe, directeur général
(*) Cette opinion a été publiée sur le site de l’Écho le 16 octobre.