Comment trouver un équilibre entre assainissement et investissement ?
En octobre, la Belgique doit soumettre un nouveau budget à l’Europe. Les recommandations européennes nous incitent entre autres à œuvrer au dégraissage des pouvoirs publics et à miser davantage sur des investissements productifs qui stimulent notre croissance économique, mais comment faire ?
La conjoncture moins favorable que connaît l’Europe à la suite des guerres commerciales internationales et de l’incertitude concernant le Brexit n’améliore pas la situation budgétaire de la Belgique. À cela s’ajoutent une position budgétaire de départ moins favorable que prévu en 2019, une forte augmentation des dépenses de pension et de soins de santé au cours des prochaines années du fait du vieillissement de la population, des charges élevées sur le travail qui doivent encore diminuer et un besoin urgent d’investissements publics productifs dans les infrastructures.
Étant donné que de nouveaux impôts ne sont pas envisageables dans notre pays déjà fortement taxé, une seule chose est certaine : il faudra faire de fortes économies sur les dépenses publiques courantes au cours des prochaines années. En effet, nos pouvoirs publics sont actuellement pléthoriques. Ainsi, en 2017, nous figurions encore dans le top 4 du classement européen des dépenses primaires, alors que nous ne nous situons que dans la moyenne en ce qui concerne la qualité des services prestés. Il sera donc plus que jamais nécessaire, au cours de la prochaine législature, de veiller à améliorer radicalement l’efficacité de notre appareil public.
La situation politique est toutefois particulièrement complexe. Pourquoi alors ne pas faire de la nécessité une vertu ? Pour éviter que les différents gouvernements de notre pays ne soient au chômage technique pendant les prochains mois, les ministres en affaires courantes doivent profiter des circonstances actuelles pour examiner vraiment en chefs d’entreprise le fonctionnement des administrations, agences, corps spéciaux et entreprises publiques dont ils sont responsables. En collaboration avec leurs cadres dirigeants, ils peuvent dresser l’inventaire de toutes les activités, du nombre d’ETP occupés dans les différents processus et activités, des gains d’efficacité qui pourraient être réalisés par une meilleure utilisation des nouvelles technologies, une simplification des lois et règles, etc.
Ainsi, la période actuelle de ralenti politique peut être mise à profit pour préparer déjà un certain nombre d’analyses et de plans de réforme pertinents à l’intention du prochain gouvernement. Cet exercice contribue aussi à la crédibilité de la politique : les citoyens et les entreprises reçoivent des gouvernements en affaires courantes une juste contrepartie pour les impôts qu’ils paient. Les gouvernements régionaux devront également se livrer à cet exercice : en effet, l’Europe n’analyse pas seulement les performances budgétaires des autorités fédérales.
Dans ce cadre, on peut se demander si les tâches exécutées sont indispensables et, dans la négative, si elles peuvent être exécutées par le secteur privé. Il faut ensuite examiner comment les tâches clés qui subsistent peuvent être réalisées à moindre coût. L'objectif final doit être de réduire le total des 'dépenses publiques courantes' de 5% en 5 ans, sans compromettre la qualité du service. Cet exercice doit se faire en étroite concertation avec les fonctionnaires dirigeants. Si le résultat atteint est meilleur que l'objectif fixé, une partie des gains d'efficience réalisés peut être réinvestie au sein de l'administration dans de nouveaux projets susceptibles d'améliorer l'efficience ou la qualité du service.
Par ailleurs, il faut aussi réduire les dépenses primaires en prenant des mesures pour porter notre taux d'emploi à 75%, en gardant la maîtrise des dépenses de soins de santé et en passant au peigne fin les dépenses de sécurité sociale. Une économie de 1% représente à terme une réduction de dépenses de 800 millions EUR.
La réduction des dépenses publiques courantes ne doit d'ailleurs pas être utilisée uniquement pour équilibrer structurellement le budget, mais aussi pour créer la marge budgétaire nécessaire pour augmenter les dépenses d'investissement, ce qui est crucial pour renforcer le potentiel de croissance économique de notre pays. Pour le dire en boutade, cela suffit tout juste pour combler les trous dans nos routes.
Le cadre budgétaire européen relatif aux investissements publics productifs est toutefois beaucoup trop strict. Il faudrait introduire une 'règle d'or' stipulant que les investissements publics nets peuvent être financés avec des dettes et donc maintenus hors de la règle budgétaire. Dans ce cadre, un déficit budgétaire de 1% est acceptable si ce montant est exclusivement affecté à des investissements productifs. En effet, cet investissement se rembourse à long terme, du moins s’il s’agit d’investissements productifs et pas de dépenses courantes cachées.
En bref, l’équilibre du budget des dépenses courantes doit être rétabli au plus vite. Dans cette hypothèse, un déficit de 1% du budget d’investissement ne serait pas un drame, au contraire.
L'opinion a été publiée le 26 août sur le site web du Soir.