La compétitivité coule face au tsunami des coûts
À la fin de l’année dernière, la FEB a réalisé son enquête conjoncturelle semestrielle auprès de ses fédérations sectorielles et des entreprises. Celle-ci montre que le premier semestre 2023 sera extrêmement difficile pour les entreprises belges.
Bon nombre d’entre elles verront en effet leurs contrats fixes pour le gaz et l’électricité arriver à terme pendant cette période et devront alors faire face à des prix énergétiques plusieurs fois supérieurs à la normale. Au total, l’explosion des prix du gaz et de l’électricité coûtera 10 à 25 milliards EUR supplémentaires aux entreprises belges, en fonction de l’évolution des prix sur le marché international de l’énergie.
De plus, un certain nombre de grands secteurs soumis à l’indexation en début d’année verront leurs coûts salariaux augmenter de 11% d’un seul coup. Mais dans tous les autres secteurs également, l’indexation a fait augmenter les coûts salariaux d’au moins autant depuis un an et demi. Entre la mi-2021 et la mi-2023, la simple indexation automatique des salaires représente une hausse des coûts salariaux d’environ 18% pour toutes les entreprises belges, soit une augmentation des coûts de 25 à 30 milliards EUR.
Dans ce contexte, il n’est pas surprenant que 95% de nos fédérations sectorielles prévoient une baisse de la rentabilité de leurs entreprises membres au cours des six prochains mois. Cette situation ne s’est plus produite depuis la mi-2008, à la veille de la crise financière.
Inflation persistante
Certaines entreprises se sont déjà préparées à cette explosion des coûts en augmentant progressivement leurs prix de vente (dans la mesure du possible) et en constituant des réserves financières pour surmonter les périodes de pertes opérationnelles dans les mois à venir. Pour de nombreuses autres entreprises, cette option n’était jusqu’à présent pas envisageable, car elles opèrent sur des marchés extrêmement concurrentiels et leurs clients ne tolèrent que peu ou pas d’augmentations de prix. Toutefois, lorsque le tsunami des coûts touchera effectivement toutes les entreprises au début de 2023, ces dernières devront elles aussi recourir à des hausses de prix substantielles.
Cela aura deux conséquences importantes. D’une part, nous craignons que l’inflation belge reste plus élevée en 2023 que ce que prévoient actuellement le Bureau fédéral du plan et la Banque nationale, et que cette inflation se révèle nettement plus persistante que dans les pays voisins. Cela signifie bien sûr que la spirale prix-salaires se poursuivra plus longtemps, faisant déraper encore davantage les coûts salariaux pour les entreprises.
D’autre part, toutes les augmentations de prix à venir dans les premiers mois de 2023 vont rendre les produits belges moins compétitifs encore, avec un impact significatif à moyen terme sur les volumes vendus tant sur le marché extérieur que sur le marché intérieur (songeons au phénomène des achats frontaliers). Ainsi, les exportations nettes (c.-à-d. exportations - importations) connaîtront une croissance négative en 2023.
Dans ce contexte extrêmement difficile et incertain, les PME belges réduisent dès à présent progressivement leurs investissements pour assurer des réserves de trésorerie suffisantes. Les entreprises multinationales sont également moins enclines à investir en Belgique. Seuls les investissements dans l’innovation, les économies d’énergie et l’automatisation ont encore le vent en poupe.
Diminution du potentiel de croissance
Tout cela conduit inévitablement à une récession qui pourrait frapper plus fort que ce que la plupart des instituts de conjoncture prévoient aujourd’hui. Nous escomptons qu’elle ne touchera le fond qu’à la mi-2023. C’est seulement à la fin de 2023 qu’une timide reprise conjoncturelle pourrait se profiler. La contraction annuelle moyenne de l’économie belge devrait se situer entre -0,5 et -1% en 2023.
Mais ce qui est pire, c’est que le handicap concurrentiel fortement accru en matière de coûts énergétiques et salariaux hypothèque sérieusement notre potentiel de croissance économique à long terme.
« Un pacte de compétitivité audacieux doit contrer la diminution de notre potentiel de croissance économique »
Il faut donc d’urgence un pacte de compétitivité audacieux qui rende structurelle la réduction des cotisations patronales (prévue uniquement pour le premier semestre de 2023), qui trouve des solutions pour éliminer le handicap salarial supplémentaire de 5,7% accumulé en 2022 et 2023, et qui réforme le mécanisme d’indexation automatique des salaires afin que celui-ci ne puisse plus nuire aussi gravement à la compétitivité de nos entreprises à l’avenir. Un statu quo fiscal et social mettant fin à l’imputation systématique par les pouvoirs publics de coûts supplémentaires sur les entreprises est également indispensable.
Ainsi seulement, nous pourrons renforcer structurellement notre moteur économique et sauvegarder nos emplois et notre prospérité.