Focus Conjoncture de la FEB : La crise du coronavirus ébranle notre prospérité. Un plan de relance s’impose.
Deux fois par an, la Fédération des entreprises de Belgique (FEB) interroge ses fédérations sectorielles pour mesurer la température économique. Vu l’envergure de la crise du COVID-19, le questionnaire habituel a été modifié et adapté. Cette enquête a été menée durant la deuxième moitié du mois de mai. Les résultats montrent que, dans ce contexte de crise sanitaire, la santé économique des entreprises est particulièrement atteinte. Les fédérations et entreprises ont fait part d’une très forte détérioration de l’activité économique, à un point tel que l’économie belge ferait, en 2020, face à sa plus grande contraction économique (entre -7,5% et -9%) depuis l’après-guerre. L'an prochain, une reprise soutenue (+6 à +7%) est envisageable si un nouveau gouvernement est rapidement formé et met en place un plan de relance cohérent, investissant dans l'avenir des entreprises et donnant un ballon d'oxygène aux ménages.
Activité économique : mi-mai, elle était en moyenne plus de 21% inférieure à la normale. Dans 6 mois, le niveau d’activité attendu sera encore 5 à 9% plus bas que la normale
Dans la deuxième moitié du mois de mai, plus de 80% des secteurs faisaient état d’une activité inférieure à son niveau normal. Pour 27% des secteurs, l’impact se situait entre -10 et -30%, mais la majorité d’entre eux (38%) évoluaient à un niveau d’activité inférieur de 30 à 50%. En moyenne pondérée, ceci implique que le niveau d’activité était encore 21,4% plus bas que la normale dans ces secteurs. Seuls la chimie et le secteur bancaire (maintien) ou le commerce alimentaire (en hausse) ne nous rapportent pas d’activité en baisse.
La demande, aussi bien intérieure qu’extérieure, reste le principal problème pour les entreprises sondées (62% des répondants). Les problèmes liés à l’offre (perte de productivité et de rentabilité à cause des mesures de distanciation sociale, des chaînes de valeur perturbées ou du manque de personnel) représentent 34,1% du total.
Dans les six mois, environ la moitié des secteurs s’attend à un niveau d’activité qui serait entre 0 et 10% plus bas que la normale. La plupart des autres secteurs s’attendent à un niveau d’activité compris seulement entre 70 et 90%. En moyenne pondérée, le niveau d’activité serait encore environ 9% plus bas que la normale dans 6 mois (5% en cas de scénario positif).
Emploi : une baisse située entre 4 et 8% attendue dans six mois, moindre que celle de l’activité économique
Au cours des premières semaines de confinement, le nombre de personnes mises au chômage temporaire a rapidement augmenté pour atteindre environ un quart du nombre total de travailleurs du secteur privé début avril. Fin mai, le nombre de chômeurs temporaires est retombé à un peu plus de 10% des travailleurs du secteur privé.
Dans les six prochains mois, aucun des secteurs sondés ne s’attend à une hausse de l’emploi. 83% des secteurs interrogés s’attendent à une baisse de l’emploi et seulement 16% un maintien de celui-ci. Cela représenterait une baisse de l’emploi comprise entre 4,7% et 8,3%.
Il n'est pas surprenant que l'emploi baisse moins fortement que l'activité économique puisque les mesures prises pour éviter la propagation du coronavirus ont sérieusement affecté la productivité et engendré de sévères pertes de chiffre d'affaires. En ce moment, la majorité de nos secteurs font état de baisses de productivité allant de 5 à 10% (43% de nos secteurs) et de 10 à 30% (29%).
Les investissements des entreprises sont reportés: une baisse de 10 à 15% est attendue en 2020
Les liquidités et la solvabilité de nombreuses entreprises ont été mises sous pression suite aux mesures sanitaires et à leurs conséquences économiques. Les entreprises se sont donc surtout focalisées sur le fait d’avoir assez de liquidités pour survivre, ce qui a perturbé certains plans d’investissements.
Près de 40% des secteurs rapportent que leurs investissements vont se réduire de 10 à 30% dans les six prochains mois et seulement 16% des répondants annoncent peu de modifications de leurs investissements (réduction comprise entre 0 et 10%). En moyenne pondérée, cela signifie une diminution de 10 à 15%.
Plusieurs secteurs ont préféré, alors qu’ils ont répondu à nos autres questions, s’abstenir de répondre à celles sur les investissements. La raison est simple : il y a encore trop d’incertitudes.
Perspectives économiques : décroissance attendue de 8,3%, la plus forte baisse depuis la Seconde Guerre mondiale
L'élaboration de prévisions pour 2020, et certainement pour 2021, est très difficile dans le contexte actuel. La FEB a élaboré plusieurs scénarios qui dépendent des évolutions autour des incertitudes suivantes :
- l'évolution de la situation épidémiologique
- la vigueur de la reprise de la demande intérieure (mouvement de rattrapage des consommateurs belges, investissements des entreprises) et étrangère
- l’impact négatif sur la croissance potentielle
Dans son scénario de base, la FEB table sur une évolution « contrôlée » du virus (sans deuxième lockdown généralisé) et sur le fait qu’un gouvernement majoritaire stable sera formé pendant l’été au niveau fédéral et qu’il trouvera un accord sur un plan de relance. Dans ce cas, l’économie belge décroîtrait de 8,3% en 2020, encore et toujours la contraction annuelle la plus forte depuis l’après-guerre. Dans cette hypothèse, on pourrait néanmoins connaître une reprise de 6,4% en 2021, ce qui signifie que, fin 2021, l’activité économique ne serait que légèrement en dessous de son niveau de fin 2019.
Dans ce contexte, le déficit publicatteindrait 10 à 12% du PIB. Un nouveau gouvernement devra donc non seulement élaborer un plan de relance crédible, mais il devra aussi prévoir une trajectoire budgétaire permettant de rapprocher le déficit de l’objectif de 3% du PIB à l’horizon 2024.
Dans un scénario plus pessimiste, la formation du gouvernement n’avance pas et l’instabilité politique se prolonge. Cela donnerait lieu à des décisions imprévisibles de majorités alternatives au parlement ou à de nouvelles élections, avec toutes les incertitudes que cela implique. Dans ce cas, la contraction économique pourrait atteindre 9,1% en 2020 et la reprise se limiter à 3% l’an prochain. Fin 2021, le niveau de l’activité économique serait alors inférieur de 5 à 10% à celui de fin 2019.
Une forte détérioration de la situation épidémiologique et des nouvelles mesures de confinement pourraient encore alourdir la croissance négative.
Recommandations : un plan de relance 4x4 turbo
D’une part, il est primordial de prendre toutes les mesures nécessaires pour combattre le virus d’une façon adéquate pour le cas où une deuxième vague menacerait notre pays. Parmi elles, le développement d’une application pour le contact tracing des contaminés, la disponibilité d’une capacité de tests massive et rapide, la disponibilité de matériel de protection adéquat ...
D’autre part, il faut penser à des mesures pour soutenir notre économie à moyen terme et garantir un retour à une croissance saine pour les prochaines années. Les mesures de confinement ont eu et auront un coût important en termes de valeur ajoutée perdue pour les entreprises et donc aussi de lourdes conséquences pour leur productivité et leur rentabilité. Il ne faudrait pas les mettre davantage en difficulté en réduisant à néant les progrès effectués ces dernières années en matière de coûts salariaux et de compétitivité.
Adapter notre régime de travail en soirée (de 20h à 24h) en vue d’un renforcement du secteur de l’e-commerce dans notre pays, dynamiser davantage notre marché du travail via une politique d’accompagnement, de formation et d’activation des demandeurs d’emploi et d’apprentissage tout au long de la vie professionnelle sont également des points cruciaux.
L’expérience acquise lors de cette crise en matière de télétravail doit être utilisée pour assouplir son cadre légal, car c’est aussi une partie de la réponse aux défis de la mobilité et du climat.
Vu l’ampleur de la crise, on peut aussi envisager des mesures de soutien à la demande. Premièrement, en stimulant les investissements privés et publics qui accéléreraient la numérisation et la transition écologique, renforçant par la même occasion notre potentiel de croissance tout en relevant d’importants défis sociétaux. Deuxièmement, la demande peut être stimulée par le biais d’une réduction substantielle de la pression fiscale (par exemple en relevant la tranche exonérée d’impôt et en augmentant la déduction des frais professionnels).
« La mise en place d’un véritable plan de relance par un gouvernement de plein exercice doit enfin prendre le relais de l’actuel gouvernement. C’est effectivement indispensable afin de donner une direction, une feuille de route et un calendrier cohérent à la relance. La FEB a déjà élaboré des recommandations via son plan de relance 4X4 turbo. « 4x4 » renvoie à quatre axes majeurs et cruciaux : notre tissu économique, le marché du travail et la sécurité sociale, la transition écologique et la digitalisation. « Turbo » fait référence à la nécessité urgente de mettre sur pied un gouvernement de plein exercice.» ajoute Pieter Timmermans, administrateur délégué de la FEB.
Lien vers l’enquête « Focus Conjoncture » ici.