Pensions : l’arbre va-t-il tomber ?
Le Bureau du Plan nous a prévenus la semaine dernière que les coûts des pensions augmenteront de 4,2 milliards en à peine un an et qu’ils risquent de s’envoler. La hausse de l’inflation creusera en outre l’écart entre les pensions élevées et les pensions faibles. Il est manifeste qu’une réforme s’impose. Il est en effet essentiel que les nouvelles générations puissent hériter d’un système de pension qui soit non seulement soutenable financièrement, mais aussi équitable. Et c’est là que le bât blesse.
Comme le montrent ses déclarations du week-end dernier, la ministre des Pensions ne semble pas impressionnée par le fait que le gouvernement a demandé presque unanimement de retravailler le nouveau plan de pension. Dans l’intervalle, des concertations ont eu lieu avec les différents partis du gouvernement et avec les partenaires sociaux, mais on ignore totalement à quoi cela a abouti. Pourtant, la FEB plaide depuis longtemps déjà pour une réforme en profondeur. Mais hormis le relèvement de la pension minimum à 1500 EUR/mois, on n’entend parler – une fois de plus – que de quelques corrections sociales. Les débats fondamentaux indispensables sur cette réforme sont – une fois encore – relégués à une énième commission.
Pour le dire de façon imagée : plutôt que de renforcer le tronc de l’arbre, on laisse encore proliférer ses branches. Le risque qu’un tronc affaibli se brise sous le poids d’un branchage surchargé d’exceptions ou de dérogations ne peut être accru davantage. Il faut d’abord consolider le tronc. Ensuite, on pourra laisser pousser des ramifications de façon contrôlée. Pas l’inverse.
« Consolidez le tronc avant que l’arbre ne tombe sous le poids des branches. »
En tant qu’employeurs, nous supportons la plus grosse partie du financement des pensions légales et complémentaires. Nous demandons dès lors que la prolifération de nouvelles ‘corrections sociales’ cesse jusqu’à ce que soient définis les contours d’une réforme en profondeur ! En d’autres termes, il faut étayer le tronc de l’arbre pour éviter de transmettre un arbre malade aux jeunes générations.
Pensions et travail
La viabilité financière du régime de pension est tributaire d’une importante croissance du taux d’emploi à 80%. Les pensions et l’emploi sont en effet les deux faces d’une même médaille. Et ceux qui plaident pour plus d’emploi ne peuvent ignorer la compétitivité des entreprises. Or, elle est aujourd’hui fortement sous pression. Voulons-nous atteindre à nouveau un handicap concurrentiel de 16% que tout le monde s’est acharné à ramener à 10% au cours de la législature précédente ? Nous ne le pensons pas. Mais, le marché du travail doit alors devenir nettement moins rigide. Des mesures doivent être adoptées pour pouvoir faire appel rapidement et efficacement à la réserve de main-d’œuvre disponible (demandeurs d’emploi, travailleurs en incapacité de longue durée...). Cela exige une réforme de notre régime de chômage à l’instar du modèle danois, à savoir limité dans le temps et lié à une formation obligatoire.
Les trois piliers de pension
La résistance d’un système de pension aux chocs économiques et sociaux internes ou externes est la plus forte si l’on a un bon équilibre entre le premier pilier légal, le second pilier complémentaire et le troisième pilier individuel. Ces trois piliers combinent, d’une part, capitalisation et répartition et, d’autre part, épargne pension collective et individuelle. Cette combinaison est la meilleure garantie d’une pension correcte et d’une viabilité financière durable en dépit d’éventuels chocs subits.
Les pensions et l’espérance de vie
L’allongement des études et de l’espérance de vie et le raccourcissement des carrières – lire : travailler moins – ne sont pas compatibles avec des pensions plus élevées. Il est impossible de ne pas tenir compte de l’espérance de vie accrue dans le calcul des pensions. Si l’on adapte les pensions au coût de la vie (via l’indexation automatique), il est logique de les adapter aussi à l’allongement de l’espérance de vie, avec toutefois un système bonus-malus. En d’autres termes : il faut récompenser ceux qui travaillent plus longtemps. Ceux qui partent plus tôt à la retraite en connaissent les conséquences.
La pension et les droits
D’aucuns considèrent la pension comme le résultat de droits de pension accumulés au cours de la carrière professionnelle. D’autres estiment évident que tout le monde ait droit à une pension élevée, quelle qu’ait été sa carrière. Les employeurs optent clairement pour une pension liée à la carrière prestée. Pourquoi ? Tout Belge souhaite une rémunération basée sur son travail et donc aussi une pension correspondant à sa contribution tout au long de sa carrière. Qui peut ou veut défendre un système en vertu duquel une personne qui a travaillé dur pendant une carrière complète reçoit la même chose qu’un collègue qui n’a pas effectué de carrière complète ? Il faut valoriser davantage le travail que l’inactivité. D’ailleurs, cela stimulera le taux d’emploi.
La pension et le statut
L’énorme discrépance entre les différents systèmes de pension est sans cesse remise en question. Aujourd’hui, il n’est plus admissible qu’un fonctionnaire à la retraite touche en moyenne 2800 EUR/mois, contre 1600 EUR pour un travailleur salarié et 1000 EUR pour un indépendant. Une harmonisation progressive des régimes s’impose ; chaque Belge doit pouvoir combiner un 1er, 2e et 3e pilier de pension.
Pension et plafond
Les cotisations sur les salaires non plafonnés combinées à une pension légale plafonnée conduisent de facto à une pension de base et à une érosion du soutien en faveur de la pension légale (premier pilier). En clair : il n’est pas juste que quelqu’un qui cotise pleinement tout au long de sa carrière reçoive une pension représentant à peine la moitié de son dernier salaire.
Ce n’est que lorsque nous aurons trouvé une réponse satisfaisante aux défis susmentionnés que nous pourrons et devrons nous attaquer aux anomalies du régime de pension. D’où cet appel : ne mettez pas la charrue avant les bœufs ! Consolidez l’arbre avant qu’il ne tombe. Faites en sorte que notre régime de pension reste finançable grâce à une réforme en profondeur. Ce n’est qu’alors que des ramifications et corrections seront envisageables et pourront être soutenues.