Mécanisme belge de filtrage des investissements étrangers – Habemus pactum !
Après plus de trois ans de négociations, les entités fédérées et le gouvernement fédéral se sont enfin entendus sur un projet d’accord de coopération visant à instaurer un mécanisme de filtrage des investissements étrangers.
Comment cela fonctionne-t-il ?
L'objectif de l’accord de principe est d'instaurer, au 1er janvier 2023, un mécanisme permettant de sauvegarder la sécurité nationale, l’ordre public et les intérêts stratégiques de toutes les entités concernées, à savoir les régions, les communautés et l'État fédéral. A cet effet, un Comité de filtrage interfédéral (CFI) est créé, composé de représentants des différents services publics et d'un président délégué par le SPF Economie, où se trouvera également le secrétariat.
Certains investissements devront donc être notifiés s’ils peuvent avoir un impact sur la sécurité, l’ordre public ou des intérêts stratégiques et s’il existe une relation directe durable entre l’investisseur étranger et l’entreprise ou l’entrepreneur. Le texte provisoire clarifie ce qui peut être considéré comme un tel investissement :
1) Une première catégorie concerne les investissements donnant lieu à l’acquisition de 25% des droits de vote et dont les activités concernent e.a. :
- les infrastructures critiques dans certaines catégories (*)
- les technologies et les matières premières qui sont essentielles pour la sécurité et l’ordre public
- l’approvisionnement en intrants essentiels
- l’accès à des informations sensibles
- le secteur de la sécurité privée
- la liberté des médias
- des technologies d’importance stratégique dans le secteur de la biotechnologie, pour autant qu’elles remplissent certaines conditions additionnelles.
2) La deuxième catégorie concerne les investissements représentant 10% des droits de vote , dans une entreprise ayant un chiffre d'affaires annuel d’au moins 100 millions d’euros au cours de l’exercice précédant l’acquisition des droits de vote et dont les activités sont liées à la défense, l’énergie, la cybersécurité, les communications électroniques ou les infrastructures numériques.
Chaque autorité compétente effectue séparément son instruction au sein du CFI, conformément à ses compétences en matière de sauvegarde de l’ordre public, de la sécurité nationale et des intérêts stratégiques, en vérifiant si les risques suivants sont évités :
1) L’atteinte à la continuité des processus vitaux des activités énumérées ci-dessus, qui, en cas de défaillance ou de perturbation, entraîne de graves perturbations sociétales et constitue une menace pour la sécurité nationale, les intérêts stratégiques et la qualité de vie de la population belge.
2) L’atteinte à l’intégrité ou à l’exclusivité des connaissances et des informations associées à ces processus vitaux et à la haute technologie sensible nécessaire à cette fin.
3) L’émergence de dépendances stratégiques.
Pendant cette procédure, l'investissement est donc temporairement mis ‘en attente’. S’il existe des indices d’un risque possible, une procédure de filtrage est lancée. Après examen, l’investissement peut alors être soit autorisé, soit admis avec des mesures correctives, soit rejeté. Le CFI peut également infliger des amendes si un investisseur a fait fi de certains points. En outre, dans certains cas, le CFI peut également ouvrir une instruction de sa propre initiative.
Pourquoi cet accord est-il venu (après si longtemps) ?
Cette réflexion a débuté après que la Commission européenne a présenté sa proposition de cadre pour le filtrage des investissements directs étrangers (règlement 2019/452). Ce cadre prescrit certains principes pour garantir la sécurité juridique dans les États membres qui utilisent un tel mécanisme. En outre, l’intention est également de coopérer davantage avec la Commission et les autres États membres dans ce domaine.
Au niveau belge, cependant, le processus a été très difficile et il y a eu beaucoup de divergences, de sorte que le processus a pris plus de temps que prévu initialement. En outre, le processus n’est pas encore terminé puisque la proposition doit encore être analysée par le Conseil d'État, puis faire l’objet d'une deuxième lecture en comité de concertation. En effet, le texte tel qu’il a été convenu au comité de concertation du 1er juin n'est pas encore définitif, mais il pourra, espérons-le, être soumis aux différents parlements avant le 31 décembre 2022 et entrer en vigueur le 1er janvier 2023.
Il était extrêmement important de maintenir l’attractivité de la Belgique en tant que pays d’investissement
La FEB, avec le VOKA, l’UWE et BECI, a toujours défendu un certain nombre de principes afin que le mécanisme ne nuise pas à notre attractivité en tant que pays d’investissement. Nous nous réjouissons donc que l’on envisage enfin un système unique et interfédéral, afin d’éviter la fragmentation et de ne pas décourager les investisseurs par un filtrage effectué par différentes instances. Dans la mise en place effective de ce nouveau mécanisme, l’efficacité et la prévisibilité doivent être les principes de base. Des délais raisonnables d’examen des dossiers doivent être prévus, afin que la Belgique reste attractive et compétitive par rapport à nos pays voisins. Il est également crucial que ce futur mécanisme offre toutes les garanties en matière de sécurité juridique, tant aux entreprises belges qu’à leurs partenaires investisseurs étrangers. De plus, il sera important de mettre en place un dialogue soutenu entre les autorités impliquées dans ce mécanisme de screening et le secteur privé, au sujet notamment des développements technologiques futurs.
(*) Énergie, transports, eau, santé, communications électroniques et infrastructures numériques, médias, traitement des données, aérospatiale, défense, infrastructures électorales, infrastructures financières, etc.
Photo ©belga