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Le législateur doit lui aussi faire preuve de prudence

Les entreprises sont confrontées à une législation toujours plus détaillée, qu’elles doivent respecter soigneusement pour éviter que leur responsabilité soit mise en cause. De plus, les entreprises et leurs administrateurs doivent tenir compte de l’obligation générale de prudence dérivant du droit de la responsabilité. Cette règle sanctionne les comportements qui n’auraient pas été manifestés par une entreprise normalement soigneuse et prudente placée dans les mêmes conditions. Il s’agit d’une norme essentiellement ouverte qui, au final, est interprétée par la jurisprudence après les faits.


Arie Van Hoe, CENTRE DE COMPÉTENCE DROIT & ENTREPRISE
25 janvier 2023

Mais qu’en est-il des pouvoirs publics ? Le comportement des pouvoirs publics est-il lui aussi évalué à l’aune de l’obligation générale de prudence ? En ce qui concerne le pouvoir exécutif et judiciaire, il est clair depuis longtemps qu’une telle évaluation est possible. Les faits et gestes des pouvoirs publics peuvent être évalués sur la base de l’obligation ouverte de responsabilité et, dans certaines conditions, ils peuvent engager leur responsabilité.

Pour ce qui est du pouvoir législatif, l’analyse était moins évidente. Un juge civil peut-il estimer que le législateur (fédéral ou régional) a commis une faute en n’agissant pas comme escompté d’un législateur normalement soigneux et prudent placé dans les mêmes conditions ? La réponse à cette question a longtemps alimenté le débat parmi les juristes. La Cour de cassation a levé toute incertitude par un arrêt du 15 décembre 2022. Les faits et gestes du législateur peuvent eux aussi être évalués en fonction de l’obligation générale de prudence.

Cette conclusion ne va pas de soi. Il est en effet clair que la limite entre le fait de dire le droit (la mission réservée au juge) et le fait de faire le droit (la mission réservée au législateur) est particulièrement ténue dès lors qu’il est demandé à un juge de statuer sur l’action prudente du législateur. Dans un tel cas, le juge devient (aussi) le juge du législateur.

Les propos qui précèdent constituent-ils un plaidoyer contre la prudence du législateur ? En aucun cas. Le législateur organise la société en tenant compte de tous les intérêts pertinents et est censé faire preuve de prudence dans ce cadre. Néanmoins, exposer a posteriori le résultat de cet exercice législatif à une appréciation judiciaire, même marginale, peut avoir des conséquences de grande envergure. Le débat législatif risque de se déplacer au tribunal, qui ne constitue pas (institutionnellement) le forum adéquat à cet effet.

Les entreprises de même que les citoyens sont exposés par cette jurisprudence à une complexité encore plus grande, en sus du cadre réglementaire déjà compliqué.

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